Les musiques de Madame Bovary

Chronique

Parmi les nombreuses qualités de David Kadouch en émerge une particulièrement appréciable, celle de concevoir ses programmes avec élégance et subtilité. Et c’est avec l’héroïne la plus célèbre de la littérature française que le pianiste trouve un matériau riche d’inspiration. La figure d’Emma Bovary suscite depuis cent cinquante années de multiples commentaires et analyses d’universitaires qui, tous, tentent de saisir la complexité du personnage : passionnée, frivole, libre, amoureuse, trahie, désespérée, menteuse, perdue, infidèle… Emma Bovary a tous les traits d’un chef-d’œuvre musical, fait de complexes paradoxes autorisant qui souhaite s’en saisir à en redessiner et réinterpréter les contours.

Kadouch imagine un voyage musical autour d'œuvres contemporaines de la création de Madame Bovary, qui auraient pu l’émouvoir ou illustrer ses passions intérieures. Une place importante est laissée à deux compositrices de premier ordre : Fanny Mendelssohn et Clara Schumann. Comme un triste écho, toutes deux ont en commun avec l’héroïne flaubertienne d’avoir passé leur vie à l’ombre d’un homme – la première éclipsée par son frère, la seconde par son mari.

Au rythme des mois – septembre, juin, mars –, les pages de Fanny Mendelssohn mettent en images sonores les émois successifs d’Emma : romantisme, mélancolie, tragédie. Chopin, Delibes, Liszt, Farrenc et Viardot viennent compléter ce panorama sensible et subjectif, dépeignant sur un autre médium le caractère inépuisable du personnage. Avec une belle humilité devant Flaubert et sa créature, David Kadouch opte pour des interprétations sobres et au plus proche de la partition, délestées de toute fioriture. © Pierre Lamy/Qobuz